Le Bushido, le code du Bushido, les valeurs du Budo se sont construits pendant une longue période au Japon.
L'histoire des Samouraïs est une longue histoire se déroulant sur plus d'un millénaire, souvent fantasmée dans notre imaginaire d'européens, idéalisée aussi par nombre de Japonais et instrumentalisée dans certaines périodes nationalistes du Japon moderne.
Une partie de l'histoire des Samouraïs, comme celle des chevaliers européens, n'est pas si reluisante que cela, faite de violences, de trahisons, d'intérêts personnels, où l'honneur, la dignité et le respect de la vie humaine, et encore pire, la vie des femmes n'a que peu de place.
Ils étaient vus d'ailleurs par bon nombre comme des barbares, bien plus crains qu'admirés.
Bien sûr, il y a toujours des hommes et des femmes qui sortent du lot, il y a des héroïnes et des héros. Mythes ou réalités, ou un mélange des deux ? Mythes fabriqués pour effacer des parties de l'histoire ou mythes que l'on n'a besoin de se fabriquer ?
Les volontés de certains de donner du sens à ce chaos, de s'élever au niveau de l'humain, d'élever le niveau des humains, et la nécessité, notamment pour les puissants, de contrôler cette violence, vont lentement construire ce Bushido, cette voie des guerriers.
Roland Habersetzer, dans son encyclopédie des arts martiaux de l'Extrême-Orient, nous cite le Kyuba no Michi, la Voie de l'arc (Kyu) et du cheval (Ba), comme la première formulation d'une éthique servant de référence aux guerriers japonais. C'est un code d'honneur, encouragé par les Shogun qui est apparu lors de la période Kamakura 1185-1333. L'influence du Shinto y est très forte.
C'est surtout pendant la période Tokugawa 1603-1868 que vont s'élaborer un certain nombre d'écrits. C'est une époque d'unification du Japon avec un pouvoir central de plus en plus fort et une période d'isolationnisme pour sa majeure partie.
Budo Soshin-Shu (la voie du guerrier, écrits destinés aux débutants),
Buke Sho-hatto (règles pour les familles de guerriers), Hokkodo, (la voie à vivre seul) écrit par Myamoto Musashi, Le Hagakure (cachés derrière les feuilles) et bien d'autres vont être écrits à la demande des Shoguns ou par volonté personnelle.
Les influences confucianistes et Zen y sont très importantes. Il s'agit, selon les cas, de règles de morale, de règles d'éducation, de règles de comportements qui peuvent être liées à l'organisation de la société hiérarchique, à la pratique martiale en temps de paix, à une recherche spirituelle.
Dans le Japon moderne de l'ère Meiji qui a commencé en 1868, les Samouraïs ont perdu leur statut guerrier, leurs privilèges de la caste des guerriers, le droit de porter les deux sabres.
Dans cette période où le mot Bushido n'est quasiment plus utilisé, un livre va devenir un best-seller mondial : « Bushido, l'âme du Japon ».
Ce livre célèbre, fait partie du triptyque martial à lire avec le Hagakure et le Gorin no Sho de Myamoto Musashi.
Paradoxalement, son auteur, Inazo Nitobe n'est ni un guerrier ni un professeur d'arts martiaux !
Inazo Nitobe professeur basé un temps aux États-Unis, futur diplomate, nous dit dans son introduction : « Ce petit livre a vu le jour suite aux fréquentes questions de ma femme, qui cherchait à savoir pour quelle raison certaines idées et coutumes prévalaient au Japon. Lors de mes tentatives pour apporter des réponses satisfaisantes à Monsieur de laveleye et à ma femme, j'ai découvert que sans une compréhension du féodalisme et du Bushido, les notions morales du Japon actuelles étaient aussi accessibles que des informations consignées dans un livre scellé. »
Il développe plusieurs valeurs : de la rectitude ou la justice, le courage, l'esprit d'audace et d'endurance, la bienveillance et la compassion, la politesse, véracité et sincérité, l'honneur, le devoir de loyauté, l'éducation et l'entraînement du samouraï, la maîtrise de soi.
Pour Nitobe, « de façon informulée, le Bushido était, et est toujours, l'esprit qui anime notre pays, sa force motrice ».
Le Bushido se représente comme une manière idéale et exemplaire de vivre et de mourir, une manière d'être, basée sur la notion de fidélité absolue à une ligne de conduite, allant jusqu'au sacrifice de soi-même. Il dit également qu'il faut vivre en harmonie avec l'univers.
Ce livre va être à l'origine de bien des Dojo Kun (la manière de se comporter dans un dojo), et de bien des codes, des chartes, symbolismes (comme les plis du Hakama en Aïkido).
Les Shin-Budo, les nouveaux Budo de l'ère Meiji, vont être irrigués notamment par le Bushido de Nitobe. Les Shin-Budo ont une dominante éducative indéniable, et ils vont s'adapter tout au long du XXè siècle, d'une part en lien avec l'évolution de la société japonaise, et d'autre part du fait de leur implantation sur tous les continents et leurs confrontations avec d'autres cultures.
Certaines de ces valeurs ont traversé les âges en s'interprétant différemment selon les époques et les civilisations, mais avec une vision universaliste.
D'autres apparaissent ou sont mis plus en avant.
Francis Didier, dans son dernier livre, Karaté, tradition et modernité, y aborde entre autres les valeurs martiales en développant de manière fouillée leur signification, les questions qu'elles peuvent poser et en évitant les pièges de mauvaises interprétations.
On n'y retrouve les valeurs de courage, d'honneur, de sincérité, de politesse, de confiance, de contrôle de soi, d'humilité/modestie, de respect, de bienveillance. Il y rajoute une notion : la solidarité. Et ce qui est particulièrement intéressant, il fait du club un creuset.
Il est écrit sous le titre, avant de commencer le développement de cette idée :« Le mot « solidarité » a les mêmes racines que le mot « solide ». De bonnes prémisses pour entamer une réflexion sur ce mot à la mode, dans une vision sociale et humaniste du Karaté où tout commence et tout finit au club ».
Le Nanbudo est un Budo, donc il baigne dans ces valeurs. Le Doshu les aborde sous d'autres formes dans le Noryoku Kaihatsu Ho, la philosophie du Nanbudo.
On les retrouve un peu plus explicitement dans les trois principes, les sept forces et le Dojo Kun qu'il a conçu en relation.
Il faut faire attention à l'impression que l'on peut avoir que les valeurs sportives sont intrinsèques au sport et que les valeurs du Budo sont intrinsèques au Budo : il n'en n'est rien.
Nous voyons bien qu'en sport se côtoient le meilleur comme le pire. Qui peut penser encore, aujourd'hui, qu'avec la lecture d'un texte, les jeux olympiques portent encore les valeurs de l'olympisme ? Quelques dirigeants, quelques sportives et sportifs les portent assurément, mais que pèsent-t-ils face à la machine : à argent, au dopage, au non-respect des droits humains, à destruction de l'environnement ?
Non, beaucoup ont oublié que ce n'est pas parce que l'on pratique un sport que l'on acquiert les valeurs sportives, et ce n'est pas parce que l'on pratique un Budo que l'on acquiert les valeurs du Budo.
Les valeurs s'enseignent !
Où ? sur internet ? En pratiquant seul une activité physique ? Non, en club, et c'est l'honneur de tous ces éducateurs sportifs qui portent haut le mot éducateur, de le faire, en co-éducation avec les professeurs et les parents.
Cela rejoint bien les mots de Francis Didier : « tout commence et tout finit au club. »
Je rajoute au club les stages, et pour pouvoir vous dire à bientôt sur les tatamis.
Je vous embrasse
Stéphane Carel Daï Shihan