Rappel des évolutions historiques du karaté.
Dans mes précédentes chroniques nous avons vu que le Thi d’Okinawa, « le sabre à main nu » permettait de combattre avec un très haut niveau d’efficacité avec Ikken hissatsu : « tuer en un seul coup »
Avec l’ère Meiji qui démarre en 1868, c’est la fin du long moyen-âge japonais et la fin « des samourai », et un certain nombre d’évolutions ont eu lieu.
Anko Itosu, un des deux pères du karaté moderne, a commencé déjà, à Okinawa, à enlever les aspects « barbares » et dangereux du karaté pour en faire une méthode éducative à intégrer dans les écoles.
Cette évolution s’est poursuivie avec :
-la volonté de faire accepter le Karaté comme un Budo au Japon, à côté du Judo et de l’Aïkido
-à ne pas concurrencer le Judo, par respect, en ne gardant que le strict minimum de projections.
-la nécessité de se faire accepter par les Américains après la deuxième guerre mondiale.
-le développement de la compétition de karaté.
Que l’on me comprenne bien, ils ont eu raison de procéder ainsi, ils n’ont pas eu le choix en un premier temps, c’est un choix de survie. En un deuxième temps ils ont pu sauvegarder une partie de leur culture qui, sinon, aurait complètement disparu, comme bien des arts martiaux dans le monde.
Le kata.
Mettons de côté les kata réalisés et transformés par la compétition et revenons aux kata qui sont censés faire partie du patrimoine historique et retracer l’histoire du Karaté à Okinawa et aussi des influences chinoises et japonaises.
Il y a des katas dont en connait les origines, qu’ils viennent de Chine, où qu’ils aient été créés par les maitres d’Okinawa dans l’ère moderne, dont on connait également les versions différentes.
Pour d’’autres Kata, dont on ne sait rien de leur histoire ou seulement quelques éléments historiques, on ne fait que des hypothèses sur leur histoire, hypothèses contradictoires selon les sources.
Le Bunkai.
Mais ce qui donne sens aux kata, ce sont les Bunkai, et là, nous buttons sur un problème : nous ne possédons aucun écrit !
La clandestinité pour commencer avec la transmission orale complète souvent à une seule personne, les modifications apportées ensuite pour être accepté dans l’ère moderne ont effacé toute trace !!!
Nous nous retrouvons donc en recherche ! Bien sûr il y a les bunkai « spectacle » pour certaines démonstrations, il y a les bunkai très proches du kata pour mieux faire comprendre le mouvement du kata.
Mais nous voyons bien que lorsque l’on aborde l’aspect efficacité, il y a beaucoup d’interprétations fantaisistes.
Je ne parle pas ici du combat réel qui demande encore d’autres adaptations mais de l’efficacité des séquences du kata : rappelons-nous, Ikken Hissatsu !
Il y a donc plein de mystifications pour que l’on ne puisse pas utiliser des parties du kata dans la réalité, mystifications voulues en un premier temps par les Maîtres qui voulaient garder leurs secrets et choisir parmi leurs élèves à qui donner les véritables clefs de compréhension, mystifications rajoutées ensuite par des dérives ou tout simplement « en se racontant des histoires ».
Une dérive, certainement involontaire et due à des volontés pédagogiques, a été de donner une appellation à toutes les techniques, ce qui n’existait pas du tout à l’origine.
Cela est devenu un véritable frein à la compréhension de la technique.
L’appellation japonaise est très imagée, demande beaucoup de mots pour en donner une interprétation, et avec une volonté de simplifier, la traduction devient mauvaise.
Quelques exemples simples :
Gedan barai veut dire à peu près « qui balaie, pousse sur le côté, élimine, à un niveau en dessous, par-dessous, en bas… », on peut en mettre des lignes et des lignes pour essayer de faire comprendre ce que cela veut dire !
Si cela peut signifier « blocage bas », et en Nanbudo balayage bas, on comprend bien que si l’on ne s’en tient qu’à cela, cela empêche de voir toutes les possibilités d’utilisations dans diverses situations.
Tsuki c’est à peu près « soudain, subitement, se précipite, subitement », donc coup de poing correspond bien mais encore une fois si on s’arrête là on enlève toutes les autres possibilités, avec la même trajectoire de mouvement, mais sans percussion.
Pour donner encore un autre exemple, l’appellation Nukite restreint les possibilités à une action des bouts des doigts alors que « la main qui transperce », sur la même trajectoire, peut utiliser d’autres parties de la main pour projeter, attraper, percuter…
Enfin, pour terminer les exemples dont vous vous doutez qu’ils sont très nombreux, les tachi, positions. Il peut y avoir dans la position une technique cachée, comme pour Zen Kutsu Dachi qui peut permettre de mettre le genou avant sous la chute de l’adversaire pour plus d’efficacité et n’est pas simplement qu’une position pour effectuer un déplacement ou une technique de poing ou de pied.
Il n’y a donc pas de vérité unique, de bunkai officiel possible et nous devons procéder à des recherches. Mais tout n’est pas bon non plus !
Comme pour le Budo, il faut déjouer les pièges, se donner quelques règles dans nos recherches, mettre des pierres pour baliser les chemins et des Cairn pour éviter les impasses et les ravins. Tout cela sera l’objet d’un prochain article dans le blog.
D’ici là, travaillons, travaillons !
Carel Stéphane Daï Shihan