Cette rentrée est particulière pour tout le monde, au travail, à l’étude, à la culture, au sport, dans tous les domaines et dans la vie quotidienne. Après le confinement généralisé, l’interdiction de pratiquer les arts martiaux et sports de combat, les mesures prises autour du COVID 19 et les déclarations qui les accompagnent tout cela crée beaucoup d’inquiétudes et d’incertitudes ne permettant pas de se projeter, comme habituellement, au moins pour une saison.
Mais pour nous, cette rentrée va être doublement particulière avec le décès de Nanbu Doshu Soke ! Rien ne sera plus comme avant, lorsqu’il était là, lorsque l’on savait qu’on allait le voir.
Rien que devant sa photo posée sur le Shinza, certaines et certains d’entre nous qui l’avons salué de manière ininterrompue depuis plus de 20 ans, plus de 30 ans et même plus de 40 ans : c’est un crève-cœur !
C’était toute la différence avec les portraits célèbres des Funakoshi sensei, Kano sensei, Ueshiba sensei et autres disparus qui ornent les shinza. Nous saluions un grand Maitre fondateur vivant, que nous avions vu, que nous allions revoir. Les enfants qui avaient vu sa photo au Dojo, lorsqu’ils étaient la première fois devant lui vivaient une expérience singulière.
Et maintenant il n’est plus là !!!
Impossible à imaginer pour moi, pour beaucoup d’autres et pourtant…
COVID 19 (et il y en a d’autres, il y en aura encore d’autres : virus, catastrophes naturelles, catastrophes causées par les humains), notre cher Doshu Soke qui n’est plus là, il faut continuer !
Pas pour lui, il nous disait souvent « faites ça pour vous, pas pour moi », mais pour lui quand même, tellement nous l’aimions.
Pas pour lui : pour nous, pour les autres, mais pour lui quand même qui y a consacré sa vie pleine et entière, beaucoup entouré mais longtemps seul sur la voie qu’il s’est créé et qu’il nous a ouvert, pour lui qui nous a tant donné, tant appris, pour lui qui nous a aidé à nous construire.
Le Budo ne se résume pas à une voie pieds-poings, une voie du sabre, une voie de l’arc etc…mais c’est bien une voie de vie, un art de vivre !
Le Nanbudo, la voie de Nanbu, la voie à laquelle il a donné son nom comme dans les anciens ryu est un Budo, le Nanbu Budo, une voie de vie.
Face aux imprévus, bien plus nombreux que les agresseurs du coin de la rue, il faut se comporter dignement, comme Nanbudoka, comme femme et homme, avec nos trois principes, avec nos sept forces, avec notre dojo kun qui n’est pas fait que pour le dojo.
Doshu Soke a toujours insisté sur le fait que chacune et chacun doit penser à ce qu’il veut faire et il a écrit « pour ma part je me dis : cette idée est elle acceptable pour ce sujet ? Est-elle assez large et universelle ? Vise t’elle assez haut ? Traversera-t-elle l’épreuve du temps ? »
Pour le Nanbudo, nous pouvons répondre : oui, oui, oui, oui, quatre fois oui !
Mais la vérité se fera sur le temps, elle nous appartient pour notre présent et pour la transmission pour le futur.
Pas par obligation, pas seulement par devoir, pas seulement par devoir de mémoire, mais pour le plaisir partagé que nous avons eu avec Nanbu Doshu Soke et qu’il serait incompréhensible de ne pas continuer à partager avec d’autres.
Et oui, cela devient pour lui et pour nous, pour nous et pour lui, pour lui et nous et d’autres !
Nanbu Doshu Soke a lancé un Ryu, nous avons tout d’abord suivi, puis nous avons appris, puis nous avons participé, puis nous avons partagé, puis nous avons commencé à transmettre : nulle obligation dans tout cela !
Nanbu Doshu Soke s’est lancé seul, il a démontré, expliqué,
· Il a évolué, continué de démontrer, d’expliquer,
· Il a lancé d’autres Nanbudoka dans l’aventure avec des grades de plus en plus haut, continué de démontrer, d’expliquer et leur a fait démontrer, expliquer,
· Avançant sans cesse, suivi et quelquefois abandonné sans jamais d’aigreurs ni de jugements sur les personnes mais sans compromis, refusant toute instrumentalisation, il a continué d’évoluer, de démontrer, d’expliquer,
· Inquiet de savoir s’il était compris, mais sans jamais se détourner de sa Voie, il a testé, écouté et modifié pour le plus grand nombre, continué d’avancer, de démontrer ou de faire démontrer, expliquer ou faire expliquer
· Enfin rassuré de se savoir compris, rassuré de partager le bonheur d’être avec les Nanbudokas de trois générations présentent sur le Tatamis, il a continué jusqu’au bout !
Nanbu Doshu Soke laisse des images différentes pour chacune et chacun de ceux qui l’ont connu, c’est normal, c’est comme cela pour toutes et tous.
Nanbu Doshu Soke disait « il n’y a pas d’âge dans le Nanbudo » : donc son image comme le Nanbudo appartient à tous, aux plus anciens comme au plus jeunes.
Si l’ont veut transmettre maintenant son image, sa pensée, le Nanbudo à ceux qui ne l’ont pas connu, gardons-nous d’en faire une icône, gardons-nous de nous en attribuer individuellement une connaissance, une vérité, une vérité officielle.
Il faut souvent simplifier pour enseigner, mais n’oublions pas que sa pensée était très profonde, pas complexe en soit, très logique mais pleine de nuances, très …yin et yang !
Le Nanbudo est forcément à son image, plein de nuances, très Yin et Yang.
Le Nanbudo continue, nous allons continuer d’avancer, d’évoluer, de démontrer et d’expliquer.
Mais nous avons eu la chance de connaitre un homme formidable, un Meijin.
Continuez tous à faire attention, à vous protéger, à protéger les autres, comme des Budokas, comme des Nanbudokas
Je vous embrasse et vivement que nous nous retrouvions ensemble !
Carel Stéphane Daï Shihan