Avec un début ponctué de mesures sanitaires restrictives, la saison s'est déroulée crescendo avec stage de professeurs, stages régionaux, nationaux, internationaux, compétitions régionales, des sessions de la Commission nationale des titres, des passages de grades à la FFKDA, des obtentions de diplômes d'instructeurs à la FFKDA, Assemblée générale etc…Quel plaisir de se retrouver, de partager, de continuer ensemble !
Mais une année qui pouvait s'avérer normale, (excepté avec moins d'adultes débutants due aux confinements et interdictions de pratiquer en contact pendant de longues périodes), en fait, ne l'était pas du tout : sans le Doshu !
Son souvenir est vivace, dans tous les lieux qu'il a fréquentés, sa présence se fait sentir. Sa voix reste dans les mémoires de beaucoup. Pas un jour sans Nanbudo sous quelque forme que ce soit et donc pas un jour sans lui.
Doshu n'était pas un copain, mais pour paraphraser Brassens dans sa chanson « Les copains d'abord », je dirai que sur le radeau du Budo, « Oui, mais jamais, au grand jamais, son trou dans l'eau n'se refermait ».
Sa disparition récente nous met entre tristesse et douleur d'un côté et bonheur de l'avoir connu, bonheur partagé de nous avoir réuni autour de son art, envie de parler de lui, envie passionnément de continuer :faire vivre son art, faire vivre son souvenir, sans nostalgie.
Combien de fois vois-je s'exprimer la nostalgie de la période de… La nostalgie du début du Karaté avec Doshu, la nostalgie de la période du Sankukai, la nostalgie de la période du début du Nanbudo etc…etc…
Je ne suis pas spécialiste mais il y a deux grandes définitions de ce qu'est la nostalgie :
Le « mal du pays » pour certains de ceux qui sont éloignés de leur pays natal, et en ce qui nous concerne, le regret mélancolique (d'une chose révolue ou de ce qu'on n'a pas connu) ; désir insatisfait.
Alors nostalgie, bien sûr que non. Je n'ai jamais entendu Doshu exprimer quelque nostalgie que ce soit, il a toujours été tourné vers l'instant présent et la construction de l'avenir.
Il l'exprime bien lorsqu'il conclut dans son livre, les techniques yin du Nanbudo : « si vous me demandez aujourd'hui « Doshu créez Nanbu Shodan » ce n'est pas possible. Il y a eu une conjonction de choses à ce moment-là et maintenant c'est autre chose.
Si j'étais resté au Shitoryu, je ne serais pas là.
Il y a des gens qui m'ont dit « restez, vous avez beaucoup d'élèves, vous pourriez devenir le chef du Shitoryu » mais je ne suis pas resté, ce n'est pas ce qui m'intéressait, je voulais créer quelque chose de différent, d'unique.
Je ne pensais pas, j'étais porté par une envie de création »
Bien sûr qu'il racontait sa jeunesse, ses débuts en France, ses compétitions. Il aimait citer tous les grands noms du Karaté qu'il a connu, avec respect et amitié sincère pour certains, sans jamais critiquer, sans jamais regretter qu'ils ne l'aient pas suivi, en étant même heureux pour ceux qui se sont réalisés avec bonheur.
A des propositions d'aides, souvent sincères, quelquefois par calcul, combien de fois l'ai-je entendu leur répondre « non, faites-le pour vous, pas pour moi ».
Bien sûr, il était fier de raconter ses compétitions, mais il a inlassablement répondu aux interviews des magazine d'arts martiaux comme le Arts et Sports de Combats en 1998 « j'ai toujours aimé la compétition et autrefois elle m'a procuré de grandes joies, mais mon esprit avait besoin d'autre chose et surtout de sérénité ».
Jamais dans le regret, jamais dans le passé, toujours dans le mouvement, toujours dans la création.
Alors préférer que le Doshu soit encore là, comme beaucoup de celles et ceux que nous avons aimé, à qui nous devons beaucoup, bien sûr, mais à quoi bon ?
Comme il nous l'a enseigné, il faut continuer le mouvement, il faut continuer à vivre.
Lorsqu'il nous faisait travailler Nanbu Tenchi Undo Ten, il nous disait :
« Vous êtes couché sur la terre, les yeux vers le ciel, vous êtes calmes, détendus, vous êtes au paradis. » Toujours il revenait sur la nécessité d'être heureux, de connaitre son bonheur, de chasser toute négativité.
Ce n'était pas de la béatitude, ce n'était pas méconnaitre le malheur des autres, mais sa contribution à donner du bonheur, du mieux-être.
Il conclu l'interview de la revue citée plus haut ; « oui je dis toujours qu'il faut être en harmonie avec les autres. Sans cela, il ne peut y avoir ni fraternité, ni bonheur, ni création, ni échange. La vie est un don qu'il faut respecter, et la mettre au service de ceux qui ont besoin d'aide et le meilleur moyen de la rendre riche et heureuse ».
Donc, nous allons continuer, jusqu'au bout, à partager ce qu'il nous a donné, à évoluer avec ce qu'il nous a donné, à faire vivre son art avec son esprit d'ouverture, de modestie, de disponibilité à toutes et tous, mais comme lui, sans jamais nous détourner du chemin qu'il a ouvert.
Alors à bientôt, en Iles de France pour certains et surtout au Stage devenu mythique de Playa de Aro pour celles et ceux qui le peuvent, pour continuer, ensemble, à tourner les pages.
Je vous embrasse.
Carel Stéphane Daï Shihan